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Penser le monde avec Mwalimu Ladislas Kinyali

Tout est objet de reflexion. Seulement, il faut oser etre sage (Vita est sapere aude)! Mwalimu Ladislas Katsuba Kinyali est Licencié ès Lettres (Philosophie) et est Chef de Travaux depuis le 15 octobre 2006 (N/Réf. : 729/MINESU/CAB.MIN/LM/AB/2006). Il est fils ainé d’une grande famille chrétienne ; il est marié et père de trois enfants. Il fait actuellement un master en Politique Comparée et Africaine (2011-2013). Pour le contacter par téléphone, il faut l’appeler aux numéros : +243 998492735 et +243 817706666.

A 52 ans d’âge, quelle indépendance pour la RDCongo ?

Serions-nous d’avis que le nombre d’années serait un critère déterminant de sagesse chez l’homme ? L’expérience nous dit non. Il est de vieilles gens qui, à les voir en actes, à les écouter,… sont moins que des jeunes écoliers.

Aujourd’hui, la RDCongo à 52 ans d’indépendance. Voyons-nous qu’elle est réellement devenue indépendante ? La réponse dépend de la façon dont chacun voit les choses. Les uns voient un Congo prospère et plein d’espoir, d’autres par contre le voient d’un œil de régression.

 Pour ce qui me concerne, je dirai que nous avons bel et bien eu l’indépendance politique en ce sens que depuis 1960 nous dirigeons nous-mêmes nos institutions. Malheureusement, plusieurs sont ceux qui ont très mal compris ce concept d’indépendance. Ils lui ont conféré un sens suffisamment ridicule de « libertinage, de laisser-aller, d’insouciance,.. » et agissent curieusement sous cette casquette.  

Sur le plan infrastructure, un simple coup d’œil sur les bâtiments des chefs-lieux des Provinces, des Territoires, des Chefferies,… sur les écoles et hôpitaux hérités de l’époque coloniale suffit pour qu’on comprenne qu’en toute « indépendance » les agents ont emporté vitres (les remplaçant par des planchettes), dalles (laissant les bureaux très poussiéreux), chaises et tables de bureaux sans que personne ne leur signifie, par une moindre punition, qu’il s’agit là des biens communs. On voit difficilement ces vieux bâtiments car entourés de brousse ; et, curieusement, sans qu’on n’en construise d’autres, ce sont ces mêmes bâtiments (dont on a ôté tout sens du beau) qui  hébergent les services de l’Etat.

Sur le plan environnemental, le congolais balaye sa maison et jette en toute « indépendance » les déchets dans la rue ; l’élève mange son biscuit, suce sa canne à sucre et jette « en toute indépendance » les déchets dans le coin de sa classe ; l’étudiant est capable d’injurier en toute « indépendance » ses enseignants avec des écrits faits avec son caca et à la main sur les murs des toilettes de son université,… Les routes sont dénudées de leurs eucalyptus protecteurs contre les érosions car sciés à planches par des hommes « forts » pourtant connus de tous. Paradoxalement, ils ne font aucun effort d’en planter d’autres car bien « indépendants » ! De leur part, des « indépendants » chauffeurs et aide-chauffeurs n’hésitent pas, suite à des pannes sur les routes, de creuser les lieux de pannes pour positionner leurs instruments de dépannage et abandonnent par la suite ces futurs bourbiers sans le moindre souci pour d’autres usagers. Les limites des parcs nationaux ne sont respectées par personne. Les « indépendants » congolais y coupent des arbres (planches, bois de chauffage, braise,..) et y tuent les animaux censés être protégés sous le regard impuissant des garde-parcs.

Sur le plan administratif, verra-t-on certains agents (peut-être la plupart d’ailleurs) aller au lieu de travail quand ils veulent, passer le trois quart de leur temps à bavarder devant des bureaux poussiéreux et sans équipement et rentrer à la maison quand cela les plaît. Parfois, on trouve difficilement des documents importants et censés être archivés et bien classés car moult agents sont ceux qui sont étrangers dans leurs propres bureaux. Plusieurs ont fait de leurs bureaux des « bureaux mobiles » (à même de fonctionner partout) ; et là, ceux qui ont les mâchoires développés détournent, en toute «indépendance »,  les salaires de leurs subalternes et personne ne parle. On fait semblant de ne rien voir autant qu’on feindrait devant une belle-mère mal assise !

Sur le plan sécuritaire, les forces de protection ne trouvent-t-elles pas, en toute « indépendance », salut dans la fuite devant l’ennemi abandonnant le pauvre civile à son triste sort et emportant tout ce qui brille sur leur passage. A 52 ans d’âge, la RDCongo est comme un enfant qui a toute sa fierté, tout son espoir et toute sa force dans la personne de l’adulte et se contente de se plaindre au lieu d’agir.

Sur le plan moral, les hôtels, les centres d’accueil, les cafeterias, les bistrots et domiciles de vente de boisson sont devenus, en toute « indépendance », des lieux de commerce de sexe (femmes mariées et non-mariées confondues). Cette « indépendance » est une occasion sûre pour les maladies impitoyables de gagner du terrain. Le viol, l’avortement,… sont comme légitimés car impunis. La corruption est au bon point. Rien ne se fait sans penser dividendes ; même dans ce qui relève de son travail de routine. De ce fait, pour qu’un secrétaire vous fasse passer voir son chef, il faut lui acheter des unités (10$,20$...100$ suivant l’ampleur du dossier à traiter) sans quoi vous ne le verrez pas. Parlant du boire, les bistrots ouvrent en toute « indépendance » les portes de 6h00 à 6h00. Personne ne contrôle les heures de travail et les heures de divertissement. Aucune réglementation sur les heures de divertissement et sur qui peut boire quoi, où et quand. Les boissons de tout genre (faiblement, moyennement et fortement alcoolisées) sont en toute « indépendance » permises à tout âge et peuvent être prises n’importe quand et n’importe où. Pour ce qui est de l’habillement, bien de filles se promènent à moitié habillées car « indépendantes ». Ni les parents, ni les enseignants, ni les dirigeants, alors personne de ceux qui les aideraient à bien se comporter en vue des générations futures, ne leur signifie que cette façon d’être blesse la pudeur. Les hommes ont réussi à s’affranchir des culottes de l’époque coloniale et portent désormais des pantalons et vestes. Des vestes, ils en portent de tout genre et de toute couleur. Et là, le congolais est bel et bien indépendant ! Regardez-le quand il voyage (deux valises d’habits, dix vestes,…parfois pour une petite sortie de deux jours) et vous comprendrez bien qu’il est « indépendant » !

Sur le plan social, plusieurs sont les agents de l’Etat (toute catégorie confondue) qui reçoivent un salaire qui ne leur permet pas de nouer les deux bouts du mois. Prenant rien que le cas de l’enseignant congolais, les anciens nous racontent que dans l’ancien temps un enseignant touchait son salaire alors qu’il avait encore quelque chose du précédent. Aujourd’hui, le pauvre enseignant, de quelque niveau soit-il, travaille  jour et nuit mais gagne en retour le ridicule (il est le mal habillé, le mal chaussé,…), les injures (son salaire, que certains qualifient d’ailleurs de  « SIDA » au sens de « Salaire Insuffisant et Difficilement Acquis », dénote une moquerie),… A titre illustratif, le pauvre enseignant touche 40000 Francs Congolais alors qu’un poisson coûte 2000 Francs Congolais. Déduisons que le salaire de tout un mois vaut 20 poissons que le pauvre enseignant croquerait avec sa famille sans rien de plus (pas de braise, pas d’huile, pas de sel, pas de farine pour un petit foufou…) et à moins d’un mois (20 jours seulement).  C’est vraiment très paradoxal ! Cela étant, le pauvre enseignant se débrouille tant bien que mal  le comble étant que les corrections des cahiers des devoirs à domicile ou copies d'examens se font dans de petites boucheries, dans des restaurants très dérisoires, derrière des éventaires, dans des champs (lors des pauses car affamé et fatigué par le travail manuel et les enseignements du jour). Sous toute cette sueur de la débrouille, il y a lieu de se demander ce que devient la qualité de l'enseignement à transmettre.

Oui, nous avons 52 ans d’indépendance ; mais, nous devrons encore conférer à cette dernière un sens de maturité social, politique, économique,… bref un sens humain sur tous les plans. Evidemment, les petits détails d’inquiétude ci-dessus ne devront pas donner l’impression que nous méconnaissons l’effort déjà fait dans certains domaines. Mais, mon constat est tel que nous régressons plus que nous n’évoluons. Si nous avions au moins maintenu à l’état de propreté ce que nous a légué la période d’avant indépendance, nous serions quand même en train de marcher sur place. Mais, et cela n’est qu’un point de vue personnel, le congolais mérite encore un coup de fouet. L’indépendance n’est pas seulement à comprendre dans le sens du  port des vestes de tout genre !

Si ce texte peut choquer quelque esprit, ce qu’il est bien compris et pourrait aider à comprendre ce que ne devrait pas être le sens de l’indépendance dans ce pays!

A 52 ans d’âge, quelle indépendance pour la RDCongo ?
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