Tout est objet de reflexion. Seulement, il faut oser etre sage (Vita est sapere aude)! Mwalimu Ladislas Katsuba Kinyali est Licencié ès Lettres (Philosophie) et est Chef de Travaux depuis le 15 octobre 2006 (N/Réf. : 729/MINESU/CAB.MIN/LM/AB/2006). Il est fils ainé d’une grande famille chrétienne ; il est marié et père de trois enfants. Il fait actuellement un master en Politique Comparée et Africaine (2011-2013). Pour le contacter par téléphone, il faut l’appeler aux numéros : +243 998492735 et +243 817706666.
18 Février 2012
1. Nul n’échappe à la morale
Sous une forme ou une autre, il est toujours question de la morale partout dans toute la question qu’engage l’homme. La technique elle-même n’est pas neutre. Elle est conduite par le goût de la connaissance et le désir ultime d’une amélioration de la conduite humaine. Elle cherche à réduire les contraintes qu’engendrent la misère, l’ignorance et la souffrance. Par là, la technique est elle-même portée par une référence morale.
Faut-il accepter, comme allant de soi, la fameuse déclaration de HEIDEGGER :
« La science ne pense pas ».
En effet, aide-t-on effectivement l’homme dans sa dignité en proposant une nouvelle technique ou joue-t-on avec le feu par la curiosité ?
Autant dire que la technique s’appuie sur certaines valeurs comme disait RABELLAIS : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».
Alors, que doit-on faire pour bien faire ? Ici et maintenant qu’est ce qui s’impose moralement ? Par où passe l’obligation du bienfait dans les tâches du médecin, du responsable politique, de l’industriel, du journaliste,…? Que doit-on absolument éviter pour écarter le pire et le mal ? Comment faire pour devenir plus homme ?
« Le questionnement éthique concerne l’homme dans sa totalité avec ses désirs et ses problèmes. Il touche donc notre raison de vivre et d’exister ». C’est en ce sens que l’on peut dire : « nul n’échappe à l’éthique ». Toute personne, tout groupe humain, toute société met en œuvre un certain nombre de règles, d’interdits, qui lui permettent de se structurer et de s’acheminer peu à peu vers ce qui parait être l’état le plus souhaitable. On peut refuser des morales absolutistes et abolitives mais il faut jour après jour faire des choses, prendre des décisions et agir selon certains critères.
On se réfère toujours à des normes même si c’est pour les transgresser. La morale est donc le passage obligé de toute existence.
Ainsi, par exemple, face au nouveau mode de procréation et aux recherches sur l’embryon, il n’y a pas une seule position morale mais une pluralité des positions morales qui souvent entrent en conflit les unes avec les autres.
2. Aujourd’hui, une forte demande d’éthique
Notons que la préoccupation morale refait ses forces. Aujourd’hui, plusieurs s’accordent pour reconnaître à la suite d’Emmanuel LEVINAS que l’éthique, « le pour l’autre » et non l’ontologie est la philosophie première. Mais quelle éthique ? Pourquoi ? Au nom de quoi ?
L’abolition des références morales, spirituelles, religieuses s’accompagne en même temps d’une demande d’éthique très forte : quels sont les nouveaux critères des décisions éthiques face au progrès vertigineux de la science, de la technique ?
Une série de styles inédits lance un défi aux morales classiques, aux canons du droit et aux règlements de déontologie reconnus, sur la sexualité, la défense nucléaire…
L’esprit scientifique expérimental entraîne une mutation de la condition humaine.
Le bouleversement issu de la science et de ses applications technologiques appelle une révolution globale de la conscience humaine (HAVEL). Il s’agit de penser autrement, de penser aux conséquences des nos actions présentes pour les générations futures (HANS JONAS). A des situations nouvelles qui affectent profondément la nature profonde et la qualité de l’agir humain doivent correspondre de nouvelles responsabilités.
Y a-t-il des frontières à ne pas franchir ? Faut-il réaliser tout ce que l’on est capable d’accomplir ? On risque de nuire. Pour E. WEIL, la question en jeu n’est plus comment il faut agir mais en vue de quoi.
3. Les champs d’application de l’éthique
On distingue ce qui relève de la responsabilité personnelle de ce qui appartient à la responsabilité sociale et ce qui est de la relation du sujet avec lui-même.
a. Devoir de l’homme envers lui-même
- Se maintenir en vie (pas de suicide) ;
- Protéger la santé par des soins, l’alimentation, le sport, l’hygiène…
- Respecter sa propre sexualité car respecter son corps c’est se respecter soi-même comme personne ;
- Se reconnaître soi-même dans la plus grande vérité possible ;
- Etre juste envers soi, sans se disqualifier ni se surestimer ;
- Savoir user d’esprit et d’humour vis-à-vis de ses propres opinions ;
- Ecouter sa conscience morale.
b. Devoirs de l’homme envers autrui
- Le respect de l’autre dans son corps (éviter la violence, harcèlement, la brutalité,…) ;
- Le respect d’autrui dans ses droits et dans ses biens ;
- Le respect d’autrui dans son identité, sa culturalité, sa personnalité ;
Þ Refus d’instrumentalisation d’autrui, considérer autrui comme une fin, un but (Emmanuel KANT) et non comme un moyen.
c. Devoirs de l’homme envers l’environnement
Il s’agit des devoirs qu’imposent à l’être son lieu vital, l’écologie. C’est l’environnement naturel : le respect de l’air, de la terre, de la végétation, des animaux,…
Bref, tourner un regard bienveillant à l’endroit de nos descendants en vue de leur transmettre une terre plus habitable.
4. Ethique comme responsabilité sociale
Dans les différents champs d’activités sociales, la responsabilité éthique peut et doit s’exercer.
a. Ethique politique
- Respecter la constitution et les lois ;
- Assurer la sécurité des habitants dans le respect de leur liberté ;
- Arbitrer les échanges économiques de façon juste ;
- Viser à l’égalité des échanges de droit dans la perspective de la solidarité ;
- Veiller à un égal accès aux biens sociaux : éducation, soins médicaux,…
b. Ethique économique
- Respecter le rapport entre le travail et la rémunération ;
- Justice dans les relations entre droit du capital et droit du travail ;
- Evaluation éthique de production en fonction de leur utilité sociale.
c. Ethique de la culture
- Liberté de création et respect d’identité culturelle : œuvre d’art
d. Ethique médicale
- Ethique clinique : rapport médecin et malades, droit et devoir réciproques (déontologie médicale).
- Médecin et société : vieillissement de la population, démographie galopante, coût de la santé.
e. Ethique de l’information
- Garantir la qualité et la liberté de l’information contre les manipulations politiques ou les pressions économiques.
f. Ethique de la science
- Honnêteté, humilité, communication des résultats ;
- Responsabilité sociale de la science.
g. Ethique de la famille
- Favoriser son existence par des mesures sociales ;
- Protéger la famille contre les excès de l’individualisme autant que contre les transferts croissants de ses responsabilités sur les institutions sociales ;
- La famille a la responsabilité morale de collaborer à la formation et à l’éducation des futurs citoyens ;
- Il faut un bon usage de l’autorité parentale ;
- Respect entre générations (droit d’aînesse).
h. Ethique de l’éducation
- Le respect de l’enfant et de l’identité sociale et culturelle où celui-ci est intégré ;
- Une éthique de l’éducation ne peut ignorer une éducation à l’éthique.
5. Conclusion
Il convient de dire que la recherche d’une éthique est aujourd’hui rendue à la fois urgente et difficile par la crise que traversent les institutions qui jusqu’ici assuraient la légitimation des positions morales : la famille, les écoles, les Eglises, les idéologies politiques,…
Cette crise morale est le fruit de la revendication de la liberté personnelle qui caractérise la modernité. Cette quête d’une éthique devient encore plus difficile à cause d’une sorte d’anonymisation croissante des individus d’une même culture : first food (consommation qui semble anesthésié le sens de responsabilité), un besoin croissant d’affirmer sa différence par un repli sur ses identités particularisées (fortement et souvent agressivement). D’un côté, il y a une universalisation médiocre, sans intérêt éthique ; de l’autre, le refus d’une universalité des normes éthiques et l’affirmation du particularisme.
Toutefois, le contexte influence la manière dont on pose la question mais en revanche le contexte ne change pas la question elle-même. On ne décide pas de la validité de la question morale à coût de statistique sur l’état de mœurs, ni au moyen de sondage d’opinions à vocation majoritaire. La vraie question naît des situations originales de l’existence livrée au risque et aux promesses de la relation avec autrui.